Home
MonoBlocs
2015-2020
2010-2015
2005-2010
2000-2005
1995-2000
Available Works
Oeuvres Disponibles
A propos de la série
------------------
Evaporation
La Centrale Humaine
Remanences
The World
 

JEAN-DANIEL SALVAT
MonoBloc

Du support à la surface

Ancien élève de Claude Viallat, faut-il s'étonner que Jean-Daniel Salvat se pose des questions qui furent celles de Support-Surface ? Mais en y apportant des réponses bien à lui.
Il lui arrive encore de croiser, dans les rues de Nîmes, son ancien et illustre professeur aux Beaux-Arts. "Claude Viallat habite pas très loin de chez moi. C'est quelqu'un qui a compté pour moi. Avec un tel parcours !", réagit Jean-Daniel Salvat. Il fut son élève à l'aube des années 90, avant d'aller s'installer à Paris, puis a New York, où il a vécu de 1995 à 2005.
D'avoir été formé par l'une des grandes figures de Support-Surface n'induit pas nécessairement une approche de la peinture inscrite dans le champs des préoccupations de ce qui est considéré comme l'ultime mouvement d'avant garde français du XX° siècle. "Il est difficile d'échapper, là plus qu'ailleurs, aux interrogations sur la peinture, l'œuvre, le sujet, les matériaux...", reconnait cependant Jean-Daniel Salvat dans un grand sourire implicite.
Devant ses grands formats, lisses et brillants, réalisés sur du vinyle transparent, on l'imagine loin des problématiques originelles de Support-Surface. Et pourtant, s'il opte aujourd'hui pour une pellicule plastifiée souple et non pas pour un quelconque Plexiglas rigide, c'est bien afin de pouvoir l'adapter sur ce fameux châssis qui occupa tant ses glorieux ainés - on connait la formule de Viallat, relatant l'aventure de Support-Surface : "Dezeuze peignait sans toile, moi je peignais des toiles sans châssis et Saytour l'image du châssis sur la toile."

La jouissance d'une peinture libérée de tout propos mimétique ou symbolique, assumant le seul langage de la couleur et de formes à deux dimensions, fonde la démarche artistique de Jean-Daniel Salvat, comme en témoigne sa série Monoblocs. Ces derniers, constitués de deux parties égales, mettent en scène, sur un aplat de couleur bien léché, un motif au graphisme plus rudimentaire et vaguement identifiable - grille, fleur, rhizome, objet...
Peint à l' arrière du support, à la façon du fixé sur verre, chaque Monobloc fonctionne ainsi sur une tension entre une impression de réalité industrielle, lisse, propre et clinquante, et ce dessin sommaire (ça déborde, les lignes sont approximatives, l'empreinte du "pinceau" ou de ce qui en tient lieu, ne se cache pas...) qui trahit le geste artisanal du peintre. Le travail de Jean-Daniel Salvat multiplie les entrées, les niveaux de lecture, en héritier improbable d'un minimalisme pop, tendance post-Support-Surface.
Si on est peut-être aussi aux lisières d'une esthétique de la séduction, d'une radicalité qui sait plaire, le propos n'en est pas moins cohérent, fondé sur cette ambiguïté de la trace et de l'immatériel, d'une réalité de la peinture et de sa mise à distance, introduite par cet effet de transparence dont Salvat rappelle qu'il était constamment recherché par Bacon, "dont les tableaux sont toujours recouverts d'un verre".
Ainsi Jean-Daniel Salvat glisse-t-il "du Support à la surface", dans ce travail qui témoigne de la capacité de l'artiste à reformuler de nouvelles propositions tout en restant fidèle à une ligne de conduite précise. En écho, le conseil de Viallat : "dire la même chose sans jamais se répéter."

Serge Hartmann

 

jdsalvat, A propos de la série Monoblocs

 

L’envers de l’antimatière

Jean-Daniel Salvat réconcilie des pratiques et techniques réputées inconciliables, réduit des fractures esthétiques irrémédiablement à vif, marie des démarches et courants catalogués radicalement antinomiques. Résolution de multiples quadratures du cercle qui s’est faite naturellement. Aboutissement d’une recherche raisonnée, d’un objectif à atteindre et d’une exigence autour des interrogations sur la peinture en tant que matière, ses supports, le traitement de la couleur, son rapport au volume, l’espace dévolu au langage pictural, les notions de perspectives et de profondeur, et la relation du spectateur à l’œuvre comme objet.

Salvat pourrait répondre incidemment au questionnement en forme d’aphorisme de Ben Vautier : « Si le nouveau n’est plus nouveau ne pas faire nouveau est-ce nouveau ? » Mais là n’est pas son propos, quand bien même apporterait-il de l’eau au moulin du pape niçois de la figuration libre en jouant simultanément sur les deux tableaux de l’invention et de la tradition. S’il y parvient c’est en résolvant le problème de la peinture dans sa consistance, son épaisseur, obstacles au concept de l’image lisse sublimée dans les magazines. Si le regard ne peut s’arrêter au matériau, qui ne saurait faire sens en lui même dans la représentation, le signe importe par le fait qu’il prenne consistance dans un procédé et une substance définie. Salvat écarte l’anecdote pour s’en tenir au fait.

Curieusement, il y parvient en renouant avec la technique du fixe sous verre par le biais d’un film vinyle tendu sur un châssis. La transparence du support lui permet de peindre au verso et la texture du médium d’obtenir cet effet presque banalisé et totalement artificiel éprouvé en présence d’une simple reproduction. Si le verre conserve à l’expression purement graphique du fixe sa dimension tactile ainsi qu’une indéniable densité en donnant l’illusion d’une simple fonction protectrice d’un très classique travail sur papier ; à contrario, le vinyle semble absorber la teinte dans l’épaisseur du film et lui conférer l’aspect absolument étal d’une surface polie jusqu’à la brillance, au point d’une confusion avec une image numérique. Confusion encore accentuée par l’utilisation de teintes glycérophtaliques industrielles crues. Salvat cependant, revient à la peinture en introduisant selon sa propre expression, des « maladresses tempérées ». En ne cherchant pas à dissimuler imperfections et autres manquements, il entend témoigner du travail de l’artiste, afin de laisser une trace de l’absolue primauté du geste. Peinture présente également dans les récurrentes références aux mouvements qui ont marqué l’histoire de l’art contemporain notamment : Support/Surface, Pop Art, Pattern Painting, Expressionnisme Abstrait dans le recours au dripping. Anti-matièriste donc vrai graphiste authentiquement coloriste, Salvat rend la peinture à la beauté pure de sa fonction par l’évidence de la représentation.

Roland Duclos